vendredi 7 février 2014

"Enquêtes policières lyonnaises au XVème siècle, une façon ludique d'aborder l'histoire". Conférence de Nicole Gonthier.


 
 
A l'initiative de la librairie Rêves de mots a eu lieu jeudi 30 janvier 2014, dans la salle du conseil de la mairie du 6ème arrondissement de Lyon, une passionnante conférence de Nicole Gonthier intitulée "Enquêtes policières lyonnaises au XVème siècle, une façon ludique d'aborder l'histoire".
 
Agrégée de l'université, docteur ès Lettres en histoire, Nicole Gonthier a été professeur d'histoire médiévale et doyen de la Faculté des Lettres et Civilisations à l'Université Jean Moulin-Lyon 3 jusqu'en 2012. Depuis sa retraite, elle s'est lancée avec enthousiasme dans la rédaction de romans policiers historiques, au rythme d'une publication par an.

Il m'est malheureusement impossible de retranscrire ici les 90 minutes de la conférence, mais voici en résumé les principaux points abordés, à savoir : 
     - l'histoire de Lyon et du royaume de France au XVème siècle,
     - la rédaction des romans.

Lyon au XVème siècle, un partage compliqué de l'autorité :

Appartenant au Saint Empire romain germanique, Lyon et le lyonnais ont été annexés au royaume de France par Philippe le Bel en 1312. Deux seigneurs se partagent alors la ville, l'archevêque et le bailli-sénéchal, représentant du roi ; il en résulte deux autorités policières et judiciaires concurrentes : la police de l'archevêque et la police du roi, chacune possédant officiers, juges, prisons, etc. qui lui sont propres. A cette situation compliquée vient s'ajouter une troisième autorité judiciaire : celle du cloître Saint-Jean. Le chamarier, responsable de la police du cloître (qui s'avère être un quartier entier), s'oppose très souvent à l'archevêque et au bailli royal ; le cloître devient donc une zone d'immunité (pour qui est recherché par la police du roi ou de l'archevêque) où seule la justice des chanoines s'exerce.
Les consuls sont une autre autorité de la ville : ils ont obtenu le pouvoir de gouverner Lyon en 1320 par une charte de franchise. Désignés par cooptation, provenant de riches familles issues de l'artisanat ou de la marchandise, les 12 consuls ont la responsabilité du gouvernement de la ville, mais ils n'ont aucun droit de police ou de justice. Ils ont par contre une obsession : le maintien des foires franches à Lyon.

Des lieux et des milieux différents d'un roman à l'autre :

Lyon est une ville importante, cosmopolite et industrieuse.
On y trouve tout d'abord de nombreux ecclésiastiques, qu'ils soient réguliers ou séculiers. Outre les chanoines, de nombreux frères mendiants vivent à Lyon ; frères mineurs et frères prêcheurs sont en concurrence pour les dons, la pauvreté volontaire étant de plus en plus difficile à appliquer à cause de l'enrichissement collectif des couvents mendiants.
Autres personnages importants, les artisans et marchands, qui s'enrichissent grâce à la présence des foires franches qui attirent de nombreux marchands étrangers à Lyon. On note également la présence croissante de juristes et d'"hommes nouveaux" : médecins, imprimeurs, etc.
Les petites gens enfin, jouent un rôle non négligeable dans les romans : on y trouve des servantes, des valets (domestiques ou compagnons d'artisans) et des marginaux (prostituées, pauvres et malades).
Les lieux concernés par les romans sont également très divers : hôtels particuliers, boutiques, tavernes, places et rues, il y a de grandes différences de part et d'autre de la Saône (la rive droite étant la part du royaume et la rive gauche celle de l'ancien empire).

La chronologie des romans :
 
Présentation de Nicole Gonthier, janvier 2014.
Les dates choisies pour les romans sont des moments phares de l'histoire de Lyon :
- 1465 (Le crime de la rue de l'Aumône) : La Ligue pour le bien public s'oppose à Louis XI. Craignant une guerre civile, Lyon s'enferme dans ses remparts...
- 1473 (Les fers maudits) : Achèvement de la nouvelle église des frères mineurs construite grâce au mécénat de Simon de Pavie. Les premiers livres imprimés sortent des presses de Barthélemy Buyer en septembre. La peste fit son retour à Lyon.
- 1475 (Meurtre d'un maître drapier) : De mars à juillet, Louis XI séjourne à Lyon et mène des manœuvres diplomatiques pour ruiner les alliances de Charles le Téméraire, duc de Bourgogne, dont l'ambition menace le royaume. Les princes révoltés sont éliminés les uns après les autres.

Les sources utilisées :

Nicole Gonthier : « A l'origine de tous ces romans, il y a des archives. »
 
Il y a tout d'abord les archives consulaires, qui se trouvent aux archives municipales : ce sont les délibérations municipales de la ville de Lyon. Elles se présentent sous la forme de gros registres où l'on trouve la date et le lieu de la réunion, le nom des consuls présents, le sujet du débat, et dans la marge un petit mot pour résumer le tout.
Les archives judiciaires ensuite, que Nicole Gonthier a longtemps compulsées (en tant que professeur et chercheur sur la délinquance à Lyon au Moyen Âge). On y trouve des pièces d'instruction de la justice médiévale, des constats de police, des rapports d'enquête, des interrogatoires de témoins et de prévenus, des descriptions de prisons, des séances de mise à la question, des sentences, ainsi que des récits d'exécutions.
A l'origine des Fers maudits, il y a une grande charte en parchemin conservée aux Archives départementales du Rhône (3H26) qui explique le contrat passé entre les frères mineurs et les frères prêcheurs "pour éviter de donner miracle de l'évasion de l'un de leurs prisonniers".
Pour Meurtre d'un maître drapier, quelques pages des mémoires de Philippe de Commynes décrivant le séjour à Lyon de Louis XI ont été utilisées, de même que des mémoires des ambassadeurs milanais.
 
Ecrire un roman basé sur des faits historiques :

Présentation de Nicole Gonthier, janvier 2014.
Nicole Gonthier : « Il ne faut pas imaginer le roman comme un récit, mais comme un théâtre, une mise en scène. Le dialogue nous permet cette mise en scène. Le dialogue des personnages remet l'évènement, non pas dans le passé, mais dans l'actualité du moment. Il faut absolument écrire le passé en l'encrant dans le présent. Et comment faire ? En mettant dans la bouche des personnages le langage d'une époque, des mots qui sont les mots d'une époque - mais qui soient compréhensibles, bien sûr - les valeurs de l'époque, les sentiments de l'époque, les détails de la vie quotidienne. Pour cela, l'iconographie a beaucoup d'importance. On se base sur l'iconographie, qui est très riche au Moyen Âge, notamment pour les costumes. »
 

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Pour découvrir l'œuvre romanesque de Nicole Gonthier, voici dans l'ordre les trois volumes parus actuellement aux éditions Pygmalion :
 
 
Qui a étranglé Catherine, l'accorte servante d'un éminent notable de Lyon ? Qui a jeté son cadavre dans le puits d'un puissant juriste, au printemps 1465 ? C'est ce que s'emploie à découvrir le prévôt de police, Arthaud de Varey, avec l'aide d'un jeune artisan, Pierre Mulat, dont le frère est, de toute évidence, trop vite accusé du meurtre. Alors que l'affaire leur apparaît à l'origine comme une banale histoire de mœurs, l'enquête, de plus en plus périlleuse, va les conduire au cœur des intrigues politiques qui agitent la ville. Car celle-ci est devenue un enjeu stratégique pour plusieurs princes du sang royal, révoltés contre Louis XI. Tous les hommes de pouvoir ne semblent-ils pas disposés à livrer Lyon au plus offrant, quitte à projeter l'empoisonnement du roi ? Il faudra l'opiniâtreté et la prudence d'Arthaud de Varey, le courage de Pierre Mulat, l'amour que lui prodigue la douce Jehanne et l'industrie de deux amis, pour triompher d'adversaires redoutables et faire éclater une lourde vérité.
 
 
Lyon, avril 1473. Dans la ville cernée par une épidémie de peste, une succession de meurtres frappe les frères du couvent des Cordeliers et l'on découvre bientôt le cadavre d'un notaire influent. Devant chaque corps, le meurtrier a déposé un extrait de la prophétie d'Isaïe qui identifie les victimes comme des cibles de la colère divine. Quel est donc le secret dissimulé par les religieux qui leur vaut ce sort terrifiant ? Qui est en vérité ce saint homme qu'ils tiennent reclus dans une de leurs cellules et dont ils affirment qu'il est un miraculé de la Vierge Marie ? L'enquête que mène le prévôt Arthaud de Varey le conduit tour à tour au cœur des couvents où se révèlent des rivalités et des vices inavouables, dans la société des imprimeurs tout récemment implantée à Lyon, auprès du jeune et dynamique médecin François Montpansier, protégé par un célèbre physicien qui a ses entrées chez le roi. Si des reliques prétendues miraculeuses semblent à l'origine des crimes, c'est pourtant du passé des suspects et des victimes que surgira, mêlant amour et mort, l'insoutenable vérité.
 
 
Mars 1476. Les Lyonnais se préparent, ornant portes et rues, à fêter le roi Louis XI qui vient séjourner plusieurs mois dans leurs murs. Mais voici que la découverte d'un riche drapier assassiné sur le parcours de l'entrée royale semble mettre en cause le peintre en charge des décors. Pour le prévôt de police, Arthaud de Varey, trouver les mobiles de ce meurtre n'est pas chose aisée tant la victime suscitait la haine de tous : intrigue familiale impliquant l'épouse ou les fils ? Vengeance d'un subordonné ou élimination d'un concurrent ? Crime passionnel ou assassinat politique ? Dans cette ville où le roi installe son gouvernement, négocie ses alliances contre Charles le Téméraire et retient prisonnier un prince rebelle, basses besognes, corruption et manœuvres politiques compliquent la recherche de la vérité. Confronté aux mensonges de tous les protagonistes et aux erreurs de l'instruction, le prévôt aura besoin tout autant de l'astuce du jeune Guillaume que du secours armé du bailli royal pour démasquer l'auteur du crime et faire échec à de sombres projets.

 
Un quatrième volume est en cours d'écriture. Nous y retrouverons Arthaud de Varey enquêtant dans le milieu de la musique médiévale et du chant au sein de la maîtrise de la cathédrale Saint Jean.
 


 

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